C’est
en voyant Laurence Olivier au Cameo Cinema, sur Berkswell Road, notamment
dans Les Hauts de Hurlevent qu’il
décide de devenir acteur ; ceci contre l’avis de son père, un officier
de l’armée de sa Majesté aux stricts principes, le Lieutenant-colonel
Henry William Huggins. Malgré une dyslexie et un problème d’élocution,
il réussit, à force de travail, à surmonter son handicap et à devenir un jeune
premier remarqué.
Après
des études à Eton, il entra à la Central School of Speech and Drama, puis
fit ses débuts au Library theatre de Manchester (1954-55) avant d’entrer
au Old Vic Theatre de Londres en 1956 (il fera, avec la troupe, une tournée
aux Etats-Unis, au Winter Garden de New-York, l’année suivante).
Après
une série de succès tels que Meet me
by the Moonlight (1957), The Edwardians
(1959), The Kitchen (1961)
et surtout Hamlet (1961), où le
rôle titre lui valut l’unanimité de la critique - et une réconciliation
avec son père… - il entra dans la troupe de Laurence Olivier, la National
Theatre Company, en 1963. Il joua, entre autres, avec Anthony Hopkins, Sir
Derek Jacobi, Joan Plowright… On peut également citer de cette période
au National Theatre la pièce de Henrick Ibsen Hedda
Gabler, sous la direction d’Igmar Bergman, avec Robert Stephen et
Maggie Smith (Cambridge Theatre, Londres, 1970).
Il
partagea l’affiche avec Alec Guiness dans la pièce de John Mortimer
A voyage ‘Round My Father (Theatre
Royal, Haymaket, Londres, 1971) et avec Vanessa Redgrave dans la pièce de
Noel Coward Design For Living (Phoenix
Theatre, Londres, 1973).
Brett
eut également beaucoup de succès Outre-Atlantique ; on peut citer, par
exemple, les rôles de Dracula, dans la pièce du même nom (Ahmanson theatre,
Los Angeles, 1978), de John Watson dans The
Crucifer of Blood (en 1980, dans le même théâtre, avec Charlton Heston
dans le rôle de Sherlock Holmes) ou celui de William Tatham, aux côtés de
Rex Harrison et Claudette Colbert, dans Aren’t We All (Brooks Atkinson theatre,
New-York, 1985).
Sa
carrière télévisuelle fut également très abondante : son interprétation
de Dorian dans Le portrait de Dorian
Gray en 1963, de Bassiano, aux cotés de Sir Laurence Olivier, dans Le Marchand de Venise en 1970 et surtout
de Max de Winter dans l’adaptation de 1978 du roman de Daphné du Maurier
Rebecca (qui éclipsa même, selon la majorité
des critiques, celle de Laurence Olivier dans le film d’Hitchcock de
1940) contribuèrent à sa réputation.
Son
Macbeth (pièce filmée en 1982 et dont la vidéo est utilisée dans les écoles
américaines et anglaises) est d’un naturel très rare.
Mais
c’est pour son rôle de Sherlock Holmes dans la série produite par Granada
TV (1984-1994) qu’il reste le plus connu et le plus admiré, surtout
en France. Grâce à sa formidable maîtrise de la technique de jeu mise au point
par Stanislavski, Brett a réussi le tour de force de redonner au personnage
de Holmes toute sa complexité et son relief. Il a fait du détective un personnage
vivant et complet, très fidèle aux écrits de son créateur, Sir Arthur Conan
Doyle, là où les autres acteurs se sont arrêtés à une partie seulement du
caractère.
On
regrette d’autant plus que le cinéma ne lui ait pas donné plus de chance.
On peut citer, tout de même, les rôles de Nicholaï dans War and Peace (1956), Mullen dans The Wild and The Willing (1963) mais aussi
l’inquiétant Tony Vernon Smith dans Mad Dogs And Englishmen (1994), personnage
complexe qu’il joua avec brio.
De
graves problèmes cardiaques ralentirent sa carrière dès le début des années
90 et il décéda chez lui le 12 septembre 1995.
Contrairement
à sa vie professionnelle, la vie privée de Jeremy Brett fût marquée par deux
drames. Tout d’abord la mort de sa mère (une des héritières Cadbury)
dans un accident de voiture alors qu’il avait 25 ans. Ensuite, la perte
de sa deuxième femme. Divorcé de l’actrice Anna Massey, avec qui il
eut un fils, David, en 1958, il se remarie en 1978 avec la productrice américaine
Joan Wilson. Pour elle, il décide de vivre à Boston, sa ville natale. Mais
huit ans plus tard, Joan décède d’un cancer, il perd alors sa complice
et a beaucoup de mal à faire face, même si sa foi en la vie et l’amour
de son métier l’empêchent de sombrer.
Jeremy
Brett est à l’origine, avec Linda Pritchard, sa dernière compagne, de
la Fondation Jeremy Brett Pour la Recherche Contre
le Cancer.
Il
manqua à Jeremy Brett trois choses pour atteindre à une célébrité que son
talent et son professionnalisme lui permettaient d’espérer :
-
La reconnaissance internationale du grand public, qui ne peut se faire que
par le biais du cinéma.
-
Le passage à la mise en scène, qui souvent permet aux acteurs de se faire
remarquer et respecter par leur pairs – comme si jouer, et jouer avec
talent, ne suffisait pas à prouver son intelligence.
- La longévité ; chose dont le public a
souvent besoin chez un acteur pour réaliser à quel point il est grand...