Pour les plus jeunes d'entre nous, il est «l'homme aux mains bien manucurées», un des chefs de l'organisation secrète qui mène la vie dure aux deux agents du FBI, Mulder et Scully, les deux héros de l'excellente série X-files. Il est également le serveur de restaurant quatre étoiles guindé, dans le film Esprit Rebel, et le général Staedert, commandant de vaisseau spatial, dans l'extraordinaire film de Besson Le cinquième élément.

D'autre se rappellent de l'imaginatif et farfelu aventurier Baron de Munchensen. Les Holmésiens, eux, se souviennent surtout de ce Holmes brillant, incisif et sûr de lui, parfois cassant, mais au fond humain ; l’acteur, aux traits magnifiquement soulignés par le noir/blanc, a en effet joué en 1965 le rôle du grand détective dans le film « Sherlock Holmes contre Jack l'Eventreur ». Mais ce que l'on sait moins c'est qu'il reprendra le rôle quelques années plus tard, cette fois-ci pour le théâtre (voir filmographie).

John Neville, né le 2 mai 1925 à Londres, et qui se destinait au départ au football professionnel (le théâtre et le cinéma ont gagné ce que le football à perdu...), est un acteur de toutes les expériences. De la science-fiction, où il semble énormément s'amuser (X-files, Le Cinquième Élément, Star Trek...), au répertoire classique (Hamlet ; Henry V…) en passant par la comédie, voir le burlesque (Le baron de Munchausen), l'acteur enchaîne les rôles avec une extraordinaire aisance....

Mais il est également, et surtout, un homme de théâtre. Il contribua beaucoup à développer et à faire évoluer cet art, dans l'Angleterre de l'après guerre et, depuis les années 1970, au Canada.

A trente ans il était déjà une figure emblématique du théâtre britannique et avait acquis une solide réputation. Il devint, au cours des six années passées au Old Vic Theatre de Londres (de 1953 à 1959) un des leaders, avec Richard Burton, de la compagnie. Les deux amis, qui s’amusaient parfois à permuter les rôles, d’une représentation à l’autre (voir encadré), déchaînaient, à l’époque, littéralement les foules. Mais même si leur groupe de fans se battaient presque pour prouver que l’un était meilleur que l’autre, il n’y avait pas de réelle rivalité entre les deux hommes...

C’est en 1956 et 1957 que Jeremy Brett rejoignît la troupe du Old Vic, jouant aux côtés de John Neville et également de Charles Gray (voir, dans ce numéro, l’article concernant les premières années de carrière de Brett au théâtre ; et notre hommage à Charles Gray, dans notre newsletter n°4)

Après avoir quitté le Old Vic, en 1959, John Neville joua, entre autre, le rôle de Don Frederick dans la pièce The Chances, en 1961, sous la direction de Laurence Olivier, lors du Chichester Festival.

Il devient, en 1963, le directeur artistique du Nottingham Playhouse ; Il désirait prouver que les meilleurs productions ne se faisaient pas qu'à Londres et fît de ce théâtre de province un lieu réputé de façon nationale et internationale ! On retrouvait dans la compagnie de grands acteurs tel que Ian McKellan, Judi Dench, Edward Woodward, Alan Howard, Jimmy Thompson... En 1965 il fût décoré de l’ordre de l’empire britannique pour l’ensemble de sa carrière théâtral, cinématographique et télévisulelle.

Mais en 1968 il démissionne du Nottingham playhouse, à cause d'un désaccord avec le Arts Concil concernant le budget, trop faible, devant être alloué au théâtre. Son départ causa beaucoup d'émoi et d'après un journaliste, si vous observez attentivement le mur près de l'entrée des artistes vous trouverez un authentique graffiti, datant de la fin des années 60, qui proclame : "John Neville doit rester"...

Au début des années 1970 il découvre le Canada et est séduit autant par le pays lui même que par les possibilités qu'il offre pour le théâtre. Il devient citoyen canadien et est tour à tour directeur artistique du Citadel Theatre (Edmonton, Alberta), de 1973 à 1978, du Neptune Theatre (Alifax) puis du Stratford Festival Theatre (Stratford, Ontario), de 1985-1989.

Ce n'est qu'en 1990 que l'acteur retourne, brièvement, en Angleterre, pour interpréter le rôle de Sir Peter Teazle dans la pièce School For Scandal, pour le National Theatre de Londres. Dans l’article de Michael Owen, publié dans le Evening Standard du 16 décembre 1994, nous apprenons même qu'à cette occasion un critique aurait demandé à ce que le passeport de l'acteur lui soit enlevé afin d'empêcher celui ci de quitter à nouveau l'Angleterre... Sans commentaire…Mais l’acteur retourna dans ce qui est désormais son pays. Mais Il fît tout de même quelques autres apparitions sur la scène anglaise ; En Janvier 1994, dans la pièce Dance Of Death, où il joua le rôle d'Edgar, et en 1998 dans la pièce de son ami Peter Ustinov Beethoven's 10th. En mars 1999, il fît également la joie des spectateurs du Nottingham Playhouse en jouant le rôle de Krapp dans la pièce Krapp's Last Tape.

John Neville est un de ces acteurs qui nous prouvent que l’on peut mener une carrière de manière réfléchie et intelligente et travailler dur, tout en s’amusant et en se faisant plaisir. Il est également un homme dévoué à sa famille ; il adore ses petits enfants – tout comme son personnage de l’homme aux mains bien manucurées, qui, nous dit l’acteur avec humour et fierté, est celui qui les impressionna parmi tout les rôles qu’il interpréta tout au long de sa longue carrière…

Séverine Rubin.

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